Informations recueillies d’après les documents suivants (en anglais), entre autres :
- Now the GOP Is Going After Sexual Health and the Pill — And the Battle Is Just Beginning
— New abortion restrictions possible in U.S
— Teen pregnancy, abortion rates rise
Aux Etats-Unis, l’arrêt Roe v. Wade, rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973, reconnaît l’avortement comme un droit constitutionnel, invalidant les lois le prohibant ou le restreignant.
Cependant, depuis cette époque, le lobby anti-avortement n’a eu de cesse de chercher par tous les moyens à en limiter l’application ou le rendre inaccessible (manque de centres à proximité, coût de des déplacements, absence d’information, pratiques musclées d’intimidation envers les femmes, le corps médical et leurs familles, etc.), et, comme aujourd’hui, de le rendre caduc à coup de lois restrictives.
Déjà, dans la mouture finale de sa « réforme » de l’assurance maladie, Obama a signé un décret imposant que les contrats privés d’assurance-maladie subventionnés par l’Etat excluent le remboursement de l’IVG, sauf en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie de la mère.
Les républicains et les droits reproductifs
Avec la vague républicaine nouvellement élue au Congrès US, dans les congrès des états et au poste de gouverneur, les attaques contre l’IVG se sont multipliées avec une violence et un acharnement inouïs.
En effet, les républicains, avec 700 sièges dans les congrès des états, n’ont jamais été aussi nombreux depuis la Grande Dépression.
Ils ont la majorité absolue dans les congrès de 25 états, contre 16 pour les démocrates et les deux partis sont pratiquement à égalité dans 8 états. Les républicains détiennent également 29 postes de gouverneurs contre 20 pour les démocrates et un indépendant.
Or, même si ce n’est pas toujours le cas, les républicains sont en général contre l’avortement et les démocrates plutôt pour.
Donc, dans ce contexte, certaines propositions de loi ont plus de chances d’être adoptées que les fois précédentes. Et les propositions de loi n’ont cessé de pleuvoir depuis le début de la nouvelle législature.
Les républicains, se souciant peu du marasme économique dans lequel sont les états, des déficits budgétaires abyssaux qui entraînent des réductions drastiques des aides sociales, en particulier aux plus démunis, ne trouvent rien de plus urgent à faire que de s’attaquer aux droits des femmes.
Ainsi, à la fin mars, 916 propositions de lois relatives aux droits reproductifs et sexuels avaient d’ores et déjà été déposées dans 49 législatures par les élus des congrès des états lors de leurs sessions ordinaires.
7 états ont adopté 15 nouvelles lois, qui comprennent diverses mesures qui rendront l’accès à l’avortement encore plus difficile, voire impossible.
Parmi les dispositions récurrentes, on trouve : la limitation du nombre de semaines de grossesse donnant accès à l’avortement, le remboursement de l’IVG, l’obligation du consentement parental pour les mineures et les échographies.
En général, les lois interdisent les avortements après 20 semaines de grossesse. Toutefois, la notion de “personne” est de plus en plus au centre des débats.
C’est ainsi que dans l’Ohio, il est question d’interdire les avortements dès les premiers battements du cœur du fœtus, ce qui peut se produire … au bout de 18 jours chez certaines femmes.
Au Nebraska, la loi interdit l’IVG à partir du moment où on estime que le fœtus peut ressentir la douleur.
Prise en charge de l’IVG
Pour ce qui est du remboursement des IVG, la tendance est, comme sur le plan national, de le limiter aux cas de viol, d’inceste, de danger pour la santé de la mère et de malformation du fœtus. Pour le reste, l’intervention, les déplacements et autres frais seraient entièrement à la charge des femmes. Ce qui, évidemment, limite l’accès à l’avortement à celles qui pourront se le permettre et l’interdit aux autres.
Echographies
A ce jour, les élus de 13 états ont présenté 22 projets de loi visant à imposer une échographie avant l’avortement. Sans sept états, les projets de loi sont calqués sur une loi adoptée l’an dernier dans l’Oklahoma qui veut que les femmes qui veulent avorter passent une échographie, qu’on leur impose de regarder les images tout en leur décrivant le fœtus.
Le 2 avril, le gouverneur de l’Arizona signait un projet de loi qui, en plus des dispositions précédentes, exigeait qu’on remette à ces femmes les clichés pris lors de l’examen.
Mais ce n’est pas tout: les républicains ont de l’imagination
En voici quelques exemples :
Au Dakota du Sud, où un seul centre pratique les IVG et où les médecins volontaires doivent se déplacer en avion pour s’y rendre, il a été décidé :
D’allonger le délai de réflexion obligatoire (qui passe de 24 à 72 h) pour, par exemple, rendre le coût d’un avortement plus dissuasif ;
D’imposer aux femmes de se rendre, dans cet intervalle, dans un des centres appelés « crisis pregnancy centers » tenus par des chrétiens fondamentalistes dont l’objectif est de faire revenir les femmes sur leur décision d’avorter ;
D’exiger que le médecin qui doit pratiquer l’avortement remette en personne les informations sur l’intervention, parmi lesquelles des informations parues après 1972 qui rassemblent les facteurs de risques que comporte un avortement, alors que les données sont fausses scientifiquement. Le médecin, venu de loin, doit donc abandonner son propre cabinet pour rester 72 heures sur place, ce qui pourrait bien, évidemment, le contraindre à renoncer.
Dans l’Utah et en Virginie, les dispositions de la loi exigent que les centres d’IVG réalisent des travaux pour se conformer aux normes de sécurité qui s’appliquent aux hôpitaux (création d’un parking, élargissement des couloirs, etc. — toutes des réalisations inutiles et bien trop coûteuses pour la plupart des centres, qui seront obligés de fermer leurs portes).
Dans l’Utah, également, la nouvelle loi permettrait à tout employé de l’hôpital de refuser de « participer de quelque façon que ce soit » à un avortement.
Dans le Mississippi, la loi sur l’éducation sexuelle exigera que tous les secteurs scolaires fournissent des informations sur l’abstinence, et que les cours sur la contraception ne pourront se faire sans l’accord préalable de l’état.
Et ce n’est pas fini : plus de 120 autres projets de lois ont été votés par au moins une des Chambres du congrès, et d’autres projets se font jour.
Globalement, les projets de loi présentés cette année concernent davantage le droit à l’avortement: 56% des projets de loi qui ont été présentés jusqu’à présent visent à limiter l’accès à l’IVG, contre 38% l’an dernier.
D’autre part, si, jusqu’à présent, les limitations d’accès à l’IVG s’accompagnaient de programmes visant à améliorer les services de santé de la reproduction et l’information sur la contraception, il n’en est rien aujourd’hui.
Rien n’est prévu pour développer les cours d’éducation sexuelle pour tous, permettre le traitement accéléré des MST et prendre en charge la contraception.
Bien au contraire, en fait.
La santé reproductive en danger
Ces mesures largement médiatisées contre l’IVG cachent une autre réalité : l’attaque contre les droits reproductifs et sexuels dans leur ensemble. L’avortement étant, de fait, fort peu subventionné, les coupes budgétaires prévues au niveau fédéral affecteront en majorité tous les autres services de santé.
Jusqu’à présent, les républicains ne s’étaient pas vraiment mobilisés contre la contraception, à part quelques mesures restrictives, comme la propagande pour l’abstinence et la clause de conscience dont les pharmaciens pouvaient se prévaloir pour refuser de délivrer des moyens contraceptifs.
Mais en l’espace d’un an, les républicains, qui avaient toujours ignoré les attaques contre la contraception de l’extrême-droite, en ont fait leur priorité.
Les discussions sur le projet de budget pour 2012 visent à réduire les aides fédérales aux grands programmes sociaux pour tenter de combler certains déficits à long terme.
Et en ligne de mire, tout ce qui concerne la santé, et en particulier celle des femmes : la santé sexuelle et reproductive, les programmes publics d’assurance maladie — Médicaid (qui s’adresse aux plus démunis) et Medicare (pour les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes handicapées).
Dans le collimateur de la majorité des républicains, également : le Planning Familial, et les autres organismes qui s’occupent de santé sexuelle et reproductive.
Les républicains de la Chambre des Représentants veulent supprimer carrément leurs subventions. Ils n’y parviendront pas, mais l’idée est dans l’air, véhiculée par des personnalités médiatiques de droite.
Rush Limbaugh, animateur de radio ultraconservateur, écouté par des millions de personnes, disait sur les ondes que la seule forme de contrôle des naissances qu’il trouvait acceptable, c’était de ne pas écarter les jambes.
Pourtant réduire le budget de la santé est un très mauvais calcul
Par exemple, le taux de grossesse chez les adolescentes aux Etats-Unis s’élevait à près de 40 pour 1000 en 2009, tous groupes confondus. C’est-à-dire qu’1 million d’adolescentes se retrouvent enceintes chaque année aux Etats-Unis. Environ 13% des naissances concernent des mères adolescentes et 25% des adolescentes ont un second enfant en l’espace de 2 ans.
80% de ces adolescentes vivent des aides sociales ; la plupart d’entre elles abandonnent les études. Entre le manque de rentrées fiscales, les frais de garde, les aides publiques diverses et les problèmes avec la justice, le coût annuel de ces grossesses précoces est estimé entre 7 et 9 milliards de dollars.
Et des vies gâchées.
Pour autant, cela n’arrête pas le législateur qui préfère compter les voix que calculer le coût réel de la santé.