Titre original: « State-Sanctioned Rape: Trans-Vaginal Ultrasound Laws in Virginia, Texas, and Iowa », par Andy Kopsa, 15 février 2012. (Traduction, emcee)
La Virginie s’apprête à faire signer au gouverneur Bob McDonnell deux des propositions de loi les plus abjectes contre l’avortement. Le gouverneur, les yeux braqués sur le poste de vice-président, a annoncé qu’il comptait ratifier au moins une des deux propositions de loi, si ce n’est les deux. La première concerne l’obligation qu’auront les femmes de subir une échographie transvaginale pour obtenir l’autorisation d’avorter.
- Illustration de l’article original « State-Sanctioned Rape: Vile Trans-Vaginal Ultrasound Laws in Virginia, Texas, and Iowa », montrant l’introduction de la sonde dans le vagin pour l’examen.
Comme d’autres propositions de loi qui ont été rejetées, celle de Virginie interdirait non seulement l’avortement mais également certains moyens de contraception hormonale.
Si le gouverneur a déclaré qu’il réfléchirait sur le statut de personne pour l’embryon, il a clairement dit qu’il ratifierait celle qui concerne l’obligation de subir une échographie. Mais appelons cet acte de son vrai nom : un viol légal.
En Virginie, la loi définit le viol en ces termes:
« Si quiconque a eu des rapports sexuels avec une personne qui a porté plainte, que ce soit ou non son conjoint, ou a incité une plaignante, que ce soit ou non son conjoint, à avoir des rapports sexuels avec une autre personne et si cet acte a été accompli sans le consentement de la plaignante par la force, la menace ou l’intimidation à l’encontre de la plaignante ou d’une autre personne; ou a profité d’une personne qui souffre de troubles mentaux ou est atteinte d’un handicap physique, ou si la victime est un(e) enfant de moins de 13 ans, cette personne sera déclarée coupable de viol ».
J’ai téléphoné et envoyé des mails à Jeff Caldwell, le porte-parole de McDonnell, pour lui demander si la loi imposant une échographie transvaginale n’abrogeait celle qui définissait le viol. Je n’ai eu aucune réponse de sa part à ce jour.
Au cours des débats, Todd Gilbert, représentant républicain de la Chambre de l’état de Virginie a déclaré:
« L’immense majorité de ces affaires [d’avortement] sont des questions de convenance personnelle », et: « nous estimons, en matière de convenance personnelle et autres, qu’il est juste et approprié qu’une femme soit parfaitement informée de ce qu’elle fait ».
Tarina Keene, directrice de NARAL-Virginie, une association pro-choix, a déclaré, parlant de cette loi sur l’échographie et de la déclaration scandaleuse de Gilbert:
« Cette loi et les commentaires qui ont été faits lors des débats à la Chambre montrent le mépris qu’éprouvent les élus anti-avortement envers les choix personnels et privés des femmes en matière de procréation, des décisions prises avec leurs médecins et leurs familles ».
Gilbert résume à lui seul la nature des débats en une seule phrase ; les femmes choisissent d’avorter sans trop savoir pourquoi et les femmes ne sont pas assez futées pour prendre les décisions elles-mêmes en ce qui concerne leur corps et c’est donc l’Etat et les hommes qui le font à leur place (il a depuis présenté ses excuses).
L’ignorance dont a fait preuve Gilbert est la norme et j’ai été confrontée à la même bêtise lors d’un échange violent sur Facebook à propos de la loi sur l’échographie obligatoire du Texas avant un avortement (…). L’homme qui a écrit le premier commentaire félicitait la Cour Suprême du Texas d’avoir entériné cette loi.
Cette tribune libre du « Houston Chronicle » donne une idée de ce que signifierait probablement une loi sur les échographies obligatoires au Texas:
D’après le Guttmacher Institute, 88% des avortements ont lieu au cours des 12 premières semaines de grossesse. Le fœtus étant tellement petit à ce stade, les échographies traditionnelles pratiquées à travers la paroi abdominale, ne produisent pas une bonne image en général. Et, donc, une sonde transvaginale est nécessaire, dans la plupart des cas, surtout jusqu’à 10–12 semaines de grossesse. La sonde est insérée dans le vagin, envoyant des ultrasons dans le corps qui se réfléchissent sur les organes internes pour produire une image du fœtus. Selon la nouvelle loi, le vagin d’une femme sera pénétré sans quelle ait la possibilité de refuser à cause de la coercition exercée par les soi-disant « agents de l’Etat » qui ont proposé et voté cette loi.
Selon le code pénal texan, la pénétration du vagin d’une femme sans son consentement est considérée comme une agression sexuelle. En d’autres termes, c’est un viol – un crime passible de peines d’emprisonnement.
Lors de l’échange sur Facebook, un homme m’a écrit avec morgue que le viol légal était comparable au fait de payer des impôts, « si vous voulez parler de viol légal, parlons de l’argent qu’on donne au fisc ».
(…)
Et ensuite, il y a l’Iowa – l’état de l’Iowa est coutumier des guerres contre les droits des femmes en matière de procréation, c’est là-bas le passetemps de la droite depuis des années. Les élus républicains à la chambre ont proposé trois projets de loi: une pour conférer le statut de personne à l’embryon, un pour imposer l’échographie et une soi-disant loi sur le « droit des femmes à être informées ».
Le projet de loi sur l’échographie a été voté par une sous-commission de la chambre et est examinée par l’ensemble des membres de la commission sur les Ressources Humaines, et sera ensuite débattue en séance plénière à la chambre et soumise au vote. Cette loi sera probablement adoptée à la chambre, mais le sénateur Steve Sodders, élu au sénat de l’état de l’Iowa m’a dit que (si jamais elle était adoptée à la chambre) elle serait certainement enterrée au sénat. Le sénat de l’Iowa est la chambre saine d’esprit à majorité démocrate dont le groupe est présidé par le bulldog Mike Gronstal.
S’il est vraisemblable que la loi sur l’échographie ne sera pas adoptée dans l’Iowa, il faut sans cesse dénoncer ces tentatives de faire adopter des lois sur les échographies obligatoires et autres lois misogynes, que la loi soit votée ou non. Et, comme au Texas et en Virginie, la loi sur l’échographie de l’Iowa pourrait forcer les femmes à subir des échographies transvaginales.
Marge Baker, Vice Présidente de l’association « People for the American Way » explique, en parlant de la loi de Virginie, mais cela pourrait s’appliquer partout ailleurs:
« Avec cette loi sur l’échographie obligatoire, la guerre contre les femmes franchit un nouveau palier. Non contents d’envahir les chambres d’hôpital des femmes, ces élus exigent d’elles qu’elles subissent un examen incroyablement invasif sans leur consentement. Non seulement c’est une insulte faite aux femmes, mais cela va à l’encontre de nos valeurs démocratiques. (…)
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- Photographie de la manifestation, illustrant l’article « Silent protest outside, Virginia House puts off ultrasound vote »
Lundi 20 février, jour où la Chambre des Représentants devait voter la loi sur l’échographie transvaginale, un millier de manifestant-es avaient organisé une chaîne tout le long de la route qu’empruntent les élus pour se rendre au Capitole. Le vote a été reporté à une date ultérieure.
La manifestation était silencieuse, le règlement du Capitole interdisant de « scander des slogans, de brandir des pancartes ou de manifester bruyamment« illier de manifestant-es avaient organisé une chaîne tout le long de la route qu’empruntent les élus pour se rendre au Capitole. Le vote a été reporté à une date ultérieure. (voir l’article « Silent protest outside, Virginia House puts off ultrasound vote », en anglais)
Mise à jour (24/02/2012) :
Finalement, le gouverneur de Virginie s’est prononcé, ce 22 février, contre la disposition concernant l’échographie transvaginale.
Voici, en résumé, ce qu’a dit gouverneur Bob McDonnell:
« Donc, après avoir étudié cette proposition de loi, je pense qu’il n’est nul besoin d’imposer par la loi un examen invasif. Ordonner un geste invasif n’est pas le rôle de l’Etat.
Pour cette raison, j’ai recommandé au Congrès d’apporter une série d’amendements à ce projet de loi. Je demande que l’Assemblée Générale amende ce projet de loi de façon à indiquer explicitement qu’aucune femme en Virginie ne sera contrainte de subir une échographie transvaginale. Je demande à l’Assemblée Générale de stipuler dans cette loi que seule une échographie trans-abdominale ou externe sera exigée pour déterminer l’âge du fœtus. Si un médecin devait décider qu’une autre forme d’échographie est nécessaire pour obtenir les images et les informations nécessaires, cela ne concernera que le médecin et sa patiente. L’état ne jouera aucun rôle dans cette décision médicale ».
Mais ce n’est qu’une victoire défensive, due à la mobilisation des organisations pro-choix, car il est toujours obligatoire de subir une échographie externe, à sa charge – comme l’avortement, sauf cas spécifiques (voir plus bas).
D’autre part, depuis un an, les droits à l’avortement ont déjà été considérablement réduits en Virginie.
Ainsi, depuis janvier 2011:
Une mineure doit avoir l’autorisation d’un de ses parents pour avorter.
Une femme qui veut avorter doit obligatoirement rencontrer un‑e conseiller‑e qui lui donnera, entre autres, des informations destinées à la décourager d’avorter et elle devra ensuite attendre 24 heures avant de pouvoir le faire.
Les aides publiques ne seront accordées que si la vie de la mère est en danger, ou en cas de viol, d’inceste ou de malformation du fœtus.
Seuls ces mêmes cas donnent droit au remboursement de l’IVG quand il s’agit de contrats d’assurances-maladie destinés aux fonctionnaires ou bien des nouvelles dispositions de la réforme de santé d’Obama.
9 réponses sur « Viol légal : lois sur l’échographie transvaginale en Virginie, au Texas, et dans l’Iowa »
En France aussi on a droit à une échographie transvaginale avant un avortement…
Ou alors c’est parce que je n’étais pas « sure » de ce que je voulais faire?
Et, non, je n’ai pas eu le choix entre ça et une autre écho.
L’échographie par voie vaginale est la voie d’abord la plus claire jusqu’à 8–10 semaines d’aménorrhée, permettant de dater la grossesse pour pouvoir choisir la méthode, et de vérifier sa localisation intra-utérine. Mais il me semble y avoir un monde entre une pratique suggérée par un professionnel de santé avec les justifications nécessaires et l’accord de la femme (même si ça reste un geste désagréable et que dans la plupart des cas, il n’y a effectivement pas d’autre option), et un geste intrusif imposé par la loi « pour leur faire payer »…
Je confirme, même chose en 2002 en France, pour un avortement à deux semaines.
J’ai été scandalisée à la lecture de l’article. Et puis j’ai réfléchi : moi non plus, personne ne m’a demandé mon avis pour me faire cette échographie ! Et pourtant… c’était en France, fin 2011.
@Get 72: tout à fait. Une échographie transvaginale est, en effet, souvent nécessaire dans les premières semaines de grossesse, ce qui permet d’agir rapidement.
Mais l’Etat n’a pas à se mêler d’imposer des gestes médicaux. C’est une affaire qui ne regarde que la personne et son praticien, apte à décider d’un examen complémentaire, si besoin est.
D’autre part, ces examens, me semble-t-il, sont encore remboursés en France. Ce n’est pas le cas aux US, où les femmes sont contraintes de les payer intégralement de leur poche. Ce qui, évidemment, a un effet dissuasif sur celles qui ne peuvent pas débourser la somme demandée.
Il s’agit donc d’une question d’inégalité devant la loi entre riches et pauvres, et d’interdire sournoisement l’avortement à ces dernières.
en réplique, une sénatrice de l’Ohio a déposé elle aussi un texte qui obligerait un homme voulant prendre du Viagra à tout un tas d’examens lui aussi ! Sur Feministing, le blog américain féministe, on peut la voir déposer très sérieusement son amendement, une belle ironie ! (en anglais) : http://feministing.com/2012/03/14/bad-ass-woman-of-the-day-nina-turner/
Je découvre cet article sur le tard, mais je ne peux m’empêcher de m’insurger contre cette proposition de loi d’une part, et d’appuyer vos propos d’autre part. J’ai moi même dû subir (c’est bien le mot) une échographie transvaginale, non pas pour un avortement, mais peu après la pose d’un sterilet. Personne ne m’avait prévenu de la nature de l’examen, et du haut de mes 19 ans, il a fallu qu’un médecin que je voyais pour la première fois tente de m’enfoncer dans le vagin sans ma permission et sans explications un bout de plastique de 3 cm de diamètre pour que je comprenne qu’une échographie ne voulait pas forcément simplement dire « relevez votre t shirt.
Lorsque je me suis un peu défendue et que j’ai demandé des explications, le médecin m’a dit que je n’avais pas le choix. Lorsqu’elle a inseré la sonde et pendant tout l’examen qui a été plus douloureux que la pose du sterilet (c’est dire) tant j’étais humiliée et tendue, j’ai dit que j’avais mal, que je voulais qu’elle arrête, la seule réponse que j’ai eu est « ah ben vous êtes chochotte vous! ». Alors je me suis tue et j’ai pleuré en rentrant chez moi.
Alors oui, cet examen peut s’apparenter à du viol quand il est fait sans l’accord et sans explications, sans accompagnement. C’est la première fois que je parle de cela, et cet article me fait réaliser, plusieurs années plus tard, que peut être je n’ai pas alors eu la sensation d’avoir subi une aggression simplement parce que j’étais une « chochotte ». Merci de nous aider à ne pas considérer normal l’inacceptable simplement parce qu’il ou elle porte une blouse blanche. Amitiés.
@Kriti : merci pour ce témoignage, je comprends (presque) ce que vous avez enduré. Moi aussi, 18 ans, ai failli avoir droit à l’échographie transvaginale aujourd’hui même, pour un simple dépistage de kystes ovariens. Je m’attendait à ce que l’on me demande de relever mon t‑shirt, et à la limite d’enlever mon pantalon, mais le médecin m’a ordonné d’enlever ma culotte, sans aucune explication. J’ai sincèrement cru à une mauvaise blague (je n’étais pas le moins du monde au courant de l’existence de cette méthode) et je l’ai ignoré, c’est ce qui a dû me sauver car j’étais déjà allongée sur la table lorsqu’il m’a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une farce. Pour moi qui n’ai jamais eu de rapports il était absolument hors de question que qui que ce soit introduise une sonde dans mon vagin. Mais j’ai été choquée par cette façon de procéder. Les premiers mots du praticien « enlevez la culotte ». Voilà ce à quoi nous avons droit. J’apparente cela à du viol, oui, un viol légal, cet acte réalisé sans explication, sans réconfort, et plus encore lorsque la patiente n’a pas le choix.
Kriti, vous n’êtes pas une chochotte, rassurez-vous. Quant à votre dernière phrase, je n’aurais pas pu mieux dire. Les blouses blanches ne sont pas toutes-puissantes, et nous n’avons pas à endurer ces examens intrusifs.
Je viens de voir votre réponse Andréa. Et je me suis dit que j’avais quand même oublié une partie de l’histoire. Deux jours plus tard, après avoir parlé de ce moment très désagréable avec plusieurs personnes et m’être rendue compte que les abus médicaux étaient bien trop fréquents, j’ai agis.
J’ai appelé ma gynécologue avec qui je m’entends très bien et je lui ai raconté cet épisode. Extrêmement choquée et révoltée, elle a appelé immédiatement la radiologue en question pour l’incendier et lui faire comprendre que ses pratiques étaient inacceptables. Elle m’a ensuite dit que plus jamais elle n’orienterait quelqu’un vers ce cabinet. Et depuis, à chaque fois que je vais chez un médecin dans la région, je raconte ma mésaventure et donne le nom de ce médecin irresponsable, pour qu’ils n’envoient pas leurs patients auprès d’elle. C’est une petite revanche, mais elle me fait du bien!
Adelante!