Parents de jumeaux de deux ans‚ pas mal comblés, nous venions de déménager, pleins de projets, mais dans une période un peu incertaine‚ parce que sans boulot. Grossesse sous stérilet, à 33 ans, deux enfants tous petits… Le retrait du stérilet aurait pu entraîner la fin de la grossesse, mais ce ne fut pas le cas. Le rendez vous a donc été pris pour une IVG‚ le rendez vous « psychologique » expédié — visiblement sans problème, je n en ai qu’un vague souvenir — ; nous voulions qu’elle ait lieu à l’hôpital public, et pas dans la clinique privée où le gynéco exerçait habituellement. (on ne se refait pas quand on défend le service public). Visiblement, ça a agacé le monsieur (qu’on ne connaissait pas, on venait d’arriver dans la région). On est venu tôt, tous les deux, on a jonglé pour trouver des copains pour garder les mômes‚ pas simple, on a attendu, longtemps… des heures. Quand le gynéco a fini par arriver‚ visiblement la tête ailleurs, énerve, il m’a demandé si j’étais à jeun. Honnête, j’ai répondu que j’avais pris une gorgée de café deux heures avant (c’était long… et même tirer deux taffes d’une clope). Il a fait un scandale, il ne nous adressait pas la parole, parlait au reste des soignants‚ a dit qu’il ne pouvait pas pratiquer l’IVG puisque je n’étais pas à jeun, ce que nous ne comprenions pas, puisqu’il n’était pas question d’anesthésie générale. Le médecin a dit qu’il n’intervenait que sous anesthésie, que c’était à prendre ou à laisser, que de toutes façons c’était « trop tard pour aujourd’hui ‚qu’elle revienne ce soir‚ elle dormira à l’hosto, pour une intervention demain matin »… On a essayé d’expliquer la situation, il a tourné le dos, n’avait pas eu le temps de déjeuner, était attendu ailleurs…
Pas vraiment le choix…
Le soir, chambre triste, personnel silencieux‚ le père était resté s’occuper des marmot , j’ ai été seule avec ma colèr , et le sentiment que je n’étais qu’une emmerdeuse qui compliquait la vie du médecin…
Pour une qui a milité pour le vote de la loi‚ j’aurai voulu l’envoyer au diable, avec une rage sourde quand l’abus de pouvoir et l’absence d’échanges dominent, quand on sent bien que ça dérange… Ce n ‘est pas l’IVG dont j ai le regret, mais de ne pas avoir dit plus clairement à ce médecin combien il était odieux. Je pensais à celles pour qui c’était moins évident, plus compliqué, plus caché que pour nous .
Les jumeaux ont une petite sœur, née trois ans après… Aujourd’hui elle est une belle ado amoureuse. Sa sœur aînée, quand elle était collégienne, a accompagné des copines au planning‚ m’a fait jurer que les infos que je donnais, je n’en parlerais pas à d’autres adultes… J’espère que si un jour l’une d’elles , comme d’autres, a recours à l’IVG, elle le fera la tête haute, avec des médecins qui la respecteront. Que dans les collèges, les lycées‚ près d’elles, elles trouveront des adultes à l’écoute, sans jugements, comme leur infirmière scolaire (vous avez vu, il n’y en a plus beaucoup d’infirmière scolaire ces temps ci). Que des femmes qui ont avorté leur diront sans honte « moi aussi ».
La vie est belle, je vais bien, merci.. et les combats restent à mener…
Bérénice.
03/05/2011.
2 réponses sur « IVG : « Ce n’est pas l’ivg dont j’ai le regret, mais de ne pas avoir dit plus clairement à ce médecin combien il était odieux. » »
merci pour ce témoignage !
Moi aussi, j’ai galéré…
J’ai 34 ans, je suis mariée et maman d’une petite fille de 4 ans et demi.
Il y a 2 ans, je suis tombée enceinte un peu par accident (vilaine pilule que j’oubliais tout le temps!).
Pour mon mari et moi, il n’était pas question d’un nouvel enfant.
Notre petite fille avait eu pas mal de problèmes de santé, elle venait de se faire opérer, on commençait à souffler… on avait envie de profiter un peu de notre petite puce…
En plus financièrement ce n’était pas ça… Mon mari venait de liquider sa société, c’était juste à la fin du mois…
Bref, ce n’était pas le moment.
Je me suis dans un premier temps rendue chez mon médecin traitant… je ne savais pas du tout comment cela se passait un avortement… Dans ma tête c’était simple puisque c’était un droit… je pensais que mon médecin allait me prescrire une prise de sang, une écho et qu’ensuite j’aurais eu mes médicaments pour avorter tranquillement chez moi…
Ce n’a pas été le cas…
Tout d’abord mon médecin m’a dit d’aller prendre contact avec le planning familial… J’ai eu un rendez-vous dans la journée avec une dame très sympa et très compréhensive… Elle a appelé l’hôpital pour m’obtenir un rendez vous avec le chirurgien.… mais ce rendez vous n’avait lieu que 2 semaines plus tard.… Je n’étais pas trop inquiète, il s’agissait pour moi d’une toute jeune grossesse… j’ai pris mon mal en patience…
Le jour du rendez vous arrive enfin, je me rends à l’hôpital avec mon mari… il me soutient à 100 %… c’est vrai que la boulette il faut qu’on l’assume tout les deux…
Ca a été un vrai carnage… je me suis faite prendre de haut, il m’a fait une écho vaginale direct sur une table installé devant le bureau et devant mon mari… j’ai été humiliée… Mon mari également.… Nous nous sommes pris des réflexions du genre « et le préservatif vous ne connaissez pas??? » .… Il nous a ensuite été annoncé que la grossesse n’était pas si jeune que ça, que je devais en plus attendre un délai de réflexion de 15 jours (ENCORE 15 JOURS!!!!!!) et que du coup j’allais devoir passer par la case chirurgie.… Moi qui était certaine de ma décision je suis sortie du rendez vous en pleurs, incapable de retourner travailler.…. et puis j’ai repris mon mal en patience…
Le jour de l’opération est enfin arrivé.… j’étais enceinte de 8 semaines.…. mon ventre commençait à s’arrondir.… mais j’étais encore certaine de ma décision.…
Passons la journée en hôpital de jour ou moi et d’autres femmes avons été traitée comme du bétail, pas un mot gentil… l’anesthésiste qui soupirait parce que je ne m’endormais pas assez vite et la peur, j’étais terrifiée au bloc opératoire et personne ne me parlait, j’étais cette mère indigne qui assassinait son bébé.…..
En fin de journée, mon petit frère est venu nous rechercher à l’hôpital , j’étais un peu à côté de mes pompes mais soulagée et heureuse… oui, heureuse que tout soit terminée.… j’ai mis 3 jours à me remettre de l’anesthésie et puis au retour au bureau.… des pleurs.… des pleurs… et des pleurs.… j’étais fatiguée.… et.… honteuse.….
15 jours après (encore!) retour chez ce connard de chirurgien…pour un contrôle.… qui cette fois est un peu plus sympa avec moi… il a remarqué que j’étais juriste d’affaires.… il me parle de mon métier, je lui réponds à demi-mot… j’ai encore honte… je n’ose pas le regarder dans les yeux.… je veux partir au plus vite.….. il me glisse l’échographie prise avant mon opération sous les yeux.… je détourne le regard mais cette photo reste encore aujourd’hui gravée dans ma mémoire.….…
Je sors de son bureau.… les larmes coulent et là, j’appelle ma maman, en pleurs… (je pleure rien qu’en écrivant ces lignes)…les femmes qui avortent en France galèrent !!! Elles ne sont pas aidées, on leur impose des délais, on les juge, on ne les soutient aucunement et on ne soutient pas non plus les maris!!! Mon mari n’a jamais trouvé les mots… parce qu’on la laissé de côté et que personne, personne ne lui a expliqué.….
Voilà, ça me fait du bien de parler.…
Aujourd’hui je ne regrette rien.… Nous projetons d’offrir à notre petite fille un petit frère ou une petite soeur mais d’ici 1 an, 1 an et demi, quand nous serons prêts et quand nous l’aurons décidé!