Je n’ai pas signé le « manifeste des 343 Salopes », bien que j’aie avorté 5 ou 6 fois dans ma vie de jeune fille, de jeune femme. Mais je n’avais pas encore écrit « Ainsi soit-elle », seulement le « Journal à quatre mains » avec ma sœur Flora relatant la vie quotidienne sous l’Occupation allemande à Paris.
Mais je suis née en 1920 et fais partie de cette génération qui, à sa majorité (qui était alors 21 ans!) avait zéro droit !
J’étais professeur de latin, mais n’avais pas le Droit de Vote. Ni celui d’ouvrir un compte sans l’autorisation de mon mari, ni celui d’accéder aux Grandes Ecoles.
Nous aurions toutes pu signer la Déclaration des Droits des Femmes adressée en 1791 par Olympe de Gouges à la reine Marie-Antoinette. Elle n’a obtenu qu’un droit: celui d’être guillotinée en 1793.
Les Droits de l’Homme, votés en 1791 et le « Suffrage Universel » ne concernaient que la moitié mâle de l’humanité. Les femmes n’étaient pas des Hommes!
C’est 1968 qui m’a fait prendre conscience que si les femmes ne se battaient pas pour chacun de leurs Droits, elles ne les obtiendraient jamais. Elles n’ont d’ailleurs pas fini de les obtenir. Le Féminisme est une prise de conscience et un combat indispensable encore aujourd’hui.
La loi Veil a été votée en 1975, j’avais 55 ans et il était trop tard pour vivre librement ma vie de femme. J’ai eu recours comme tant de femmes à des avortements et curetages en tous genres ! Mais mes filles en ont bénéficié.
Et si le slogan de 68 « changer la vie » se justifie, c’est dans ce domaine de la sexualité qu’il a bouleversé la vie quotidienne des femmes.
J’ai eu l’impression de sortir de la nuit et de maitriser enfin ma vie. Merci Simone.
Vous avez raison de préciser: « Nous allons très bien », car on fait tout aujourd’hui pour dramatiser l’IVG. Quand je repense à ce que nous vivions, risquions, affrontions pour ne pas « tomber enceintes » !
Merci de vous battre encore.
Beaucoup ne se résignent pas à nos libertés !
Sororalement
Mai 2011
3 réponses sur « Beaucoup ne se résignent pas à nos libertés ! Un petit mot de Benoîte Groult »
J’ai subi une IVG chirurgicale. Mon compagnon et moi, étions tous les deux divorcés, chacun avec deux enfants. Il ne voulait pas d’un autre enfant. Je lui ai parlé tout de suite d’avortement. Pendant 1 mois, j’ai réfléchi à cette décision. Il était complétement dans le déni de cette grossesse et ne voulait absolument pas de cet enfant. Le médecin et la conseillière de l’hôpital ne m’ont pas jugée. L’intervention s’est faite rapidement. J’ai eu des doulours physiques, j’ai eu des crises de larmes pendant q.q jours. Mais aujourd’hui, je me sens mieux, soulagée et je donne tout mon amour à mes deux premiers enfants.
je suis née en 1974, belle année pour le droit des femmes!!!
je n’ai jamais avorté parce que je n’en ai jamais eu besoin mais au tout début de ma vie sexuelle (à 17ans) je vivais chaque mois avec cette épée de damoclès au dessus de la tête. Je prenais la pilule mais la trouille était bien présente malgré tout…et l’avortement n’était pas illégal! alors je me mets à la place de ma mère, de ma grand-mère, de toutes ces femmes avant moi et je remercie celles et ceux, car il a bien fallu qu’il y ait quelques hommes aussi, qui nous ont donné cette liberté de choisir.
Maintenant j’ai 36 ans et deux filles, j’ai eu toutes les peines du monde à les avoir mais jamais au grand jamais il ne me serait venu à l’esprit de jeter l’opprobre sur les femmes qui avaient choisi d’avorter, leur imposer une grossesse ne m’en aurait pas donné une. Et pour mes deux filles, je me battrai toujours pour que l’IVG ne soit plus qu’un souvenir lointain, nous devons toutes et tous garder à l’esprit que ce droit n’a que 36 ans, qu’il est bien fragile et que nombreux sont ceux et celles qui voudraient le voir remis en cause.
Mon dieu, Mme Groult !
Dire que « Ainsi soit-elle » a été un livre de chevet est bien loin du compte (et j’ai beaucoup aimé « les trois quart du temps, bien pus que cela en fait !) !
Il est là, toujours d’actualité pour tellement de femmes dans le monde que ça en serre le coeur.
Les femmes sont toujours ces salopes potentielles, à moins d’être de la catégorie des « vraies femmes », de celles qui mènent toutes leurs grossesses à terme, de celles qui baissent les yeux.
Comme vous le dites, merci Simone, vraiment et pour l’éternité des femmes françaises en tout cas. La liberté c’est de pouvoir choisir et je me battrai pour que cela soit toujours le cas.