X. ne voulait pas être mère mais n’a pas eu l’énergie d’aller contre les normes sociales (toutes les conneries inculquées depuis l’enfance, écrit-elle). Aujourd’hui elle se bat contre sa frustration et nous a transmis avec confiance un témoignage qui dit que la maternité peut faire énormément souffrir.
J’avais commencé à écrire une très longue lettre racontant en détail ma vie pour que vous puissiez comprendre, comprendre comment on peut en arriver là. Et puis je me suis rendue compte que cela n’avait aucune importance car ce que vis une femme dans l’intimité de son triangle ventre-coeur-cerveau, ne peut être compris que par elle-même, et encore.… alors je serai brève. Bientôt 40 ans, une fécondité qui se rit des contraceptifs, cinq enfants et une histoire personnelle qui m’a amené à ne pas avorter alors que tout m’indiquait de le faire sauf mon absence de tripes, de courage pour aller contre toutes les conneries (excusez-moi pour cette impolitesse mais ce mot correspond à ce que je ressens) inculquées depuis l’enfance.
Je n’ai jamais avorté et je le regrette.
Je n’ai jamais pu être une maman pour ces enfants qui n’y sont pour rien, réduite à jouer la comédie de l’amour pour qu’ils puissent quand même grandir sans trop de dégâts. Ce n’est pas que je ne les aime pas, c’est que je suis régulièrement surprise quand ils m’appellent « maman » car je ne suis jamais tombée « amoureuse » de mes bébés. Je les aime comme on aime des amis, des gens qu’on connait bien. Je m’en suis très longtemps voulu, croyant être anormal…
J’aurais voulu prendre le temps de désirer un enfant, d’aimer chaque mouvement dans mon ventre au lieu de les détester, j’aurais voulu être fière de cette graine de vie qui pousse à travers moi au lieu de me sentir violée pendant neuf mois et de devoir taire la rage et la honte de n’être qu’un pantin en la masquant derrière une béatitude feinte de bon aloi. J’aurais voulu que cet enfant lise de la fierté dans mes yeux plutôt que de l’indifférence poli, j’aurais voulu qu’il se sente aimé pour qu’il soit sûr de mériter d’être aimé et savoir aimer à son tour. J’aurais voulu pouvoir prendre le temps de caresser mon ventre en rêvassant au lieu de devoir toujours courir pour nourrir toutes les bouches qui dépendent de moi, j’aurais voulu pouvoir faire un vrai métier au lieu de devoir courir de petits boulots épuisants en petits boulots qui te ravalent en sous-humanité juste pour pouvoir garder la tête hors de l’eau. J’aurais voulu me sentir bien dans ma peau, épanouie plutôt que de n’être qu’une machine sans âme ni lendemain.
Et marre qu’on me dise que j’ai du courage lorsque on apprend que j’ai cinq enfant! Ce n’est pas du courage c’est de la lâcheté…
Mais il parait qu’il ne faut pas dire ce genre de chose.…
Je n’ai jamais avorté et je ne vais pas bien du tout.
Je voudrais revenir en arrière, rembobiner le film, mais c’est impossible. Alors je vais continué à avancer parce que il le faut, parce que ces cinq mômes je ne les laisserai pas tomber car ils ne sont pas responsable des choix que j’ai fait de les laisser exister lorsque tout aurait pu s’arrêter avant qu’ils ne soient des « quelqu’un » à part entière. Mais je vous jure que quand je vois des gens qui osent prétendre mieux savoir que les principales intéressées ce qui est bons pour elles, je devient verte de rage et toute la frustration accumulée par ces années menacent de déborder en faisant d’énormes dégâts !
20 réponses sur « Je n’ai jamais avorté et je ne vais pas bien du tout »
Merci pour ce témoignage. Vraiment, merci.
Votre témoignage m’a émue aux larmes.….Bravo pour votre courage d’avoir osé écrire ce témoignage et je suis persuadée que vous n’êtes pas la seule dans ce cas. Toutefois, le fait d’avoir vécu, de vivre cette situation, de galérer comme vous l’écrivez pour arriver à nourrir ces 5 bouches et à élever ces enfants, que vous n’avez pas désirés, font de vous une mère admirable et une femme exceptionnelle. Gardez cela en mémoire.
Merci de témoigner en ce sens.
Peut-être qu’un jour, les gens arrêteront de propager des idées fausses pour nous ranger à la maison.
A mes yeux, le témoignage le plus important publié sur ce site jusque-là.
Respect et fraternité.
c’est un témoignage magnifique, vraiment touchant et d’une grande honnêteté..merci, merci …
Je suis d’accord avec Zelda, merci d’avoir raconté ce que vous ressentez, c’est un point de vue que je n’avais jamais entendu ni lu nulle part, cette honnêteté est d’une valeur infinie pour chacune et chacun d’entre nous.
Merci encore.
Témoignage bouleversant… personnellement je me suis faite avorter en 98 et je ne l’ai jamais regretté !!! et encore à l’heure d’aujourd’hui je sais que j’ai pris la bonne décision !! Il s’agit de NOTRE corps et de NOTRE décision.. de plus l’espèce humaine est loin d’être en voie d’extinction ce serait même plutôt le contraire donc qu’on nous foute la paix avec la procréation.. voila c’est dit.
Témoignage qui me touche énormément car la sensation d’être violée pendant la grossesse, je l’ai vécue et si j’ai avorté en 2003, c’est pour faire cesser cet enfer qui me rappelait le viol et les abus sexuels que j’avais subis plus jeune.
On appelle cela la tokophobie. Une phobie encore trop peu médiatisée et qui pourtant touche pas mal de femmes en âge de procréer et qui souvent surprend les femmes au moment d’un début de grossesse.
Je ne sais si X a envisagé qu’elle pouvait expliquer son profond mal-être de grossesse à une tokophobie qui la rendait et continue de la rendre « indifférente » à ses enfants et dans l’incapacité de pouvoir être mère. Peut-être cela pourrait l’aider à comprendre le pourquoi du comment.
En tout cas, je voudrais dire merci à X d’avoir exprimé qu’on peut avoir des enfants et pour autant ne pas se sentir « mère » et ne pas pouvoir l’être pour les enfants que l’on met au monde. La société a tellement tendance à faire croire que la fonction biologique reproductive des femmes fait « les mères » de façon quasi instantanée et « naturelle ». Non, la maternité à savoir assumer et donner de soi à des enfants, n’est pas naturelle chez les êtres humains et n’a rien à voir avec la capacité physique, biologique à faire des enfants. On ne naît pas mère, on le devient ou pas. Qu’on aille au bout d’une grossesse ou pas. Si toutes les femmes qui accouchent et ont des enfants étaient des mères pour leurs enfants, il n’y aurait pas autant de détresses et de mal-être chez bien des enfants et des adolescents.
Je crois qu’il serait temps en 2011, de sortir du concept qu’une femme doit obligatoirement pour s’accomplir et exister, être reconnue socialement, passer par la maternité alors qu’elle n’en a ni le désir ni les capacités ni les sentiments à le devenir, mais qu’elle s’y risque le plus souvent simplement par esprit d’imitation, peur de n’être pas aimée, peur d’aller à contrecourant de la mode, de la religion.
J’envoie à X plein de courage et de force pour avancer dans son chemin de vie. Et merci encore à elle d’avoir témoigné.
Bonjour
Je suis celle qui a écrit ce témoignage.
Vos quelques mots m’ont touchée au-delà de ce que je saurais exprimer. Merci.
Je ne connaissais pas la tokophobie… mon mal-être pendant mes grossesses, qui est allé du supportable à l’insoutenable au fur et à mesure qu’elles s’enchaînaient, vient de cette impression d’être prise au piège, de ne pas avoir réellement le choix, et de savoir par avance tout ce que ça va me coûter en épuisement et en renoncement de soi, tout en sachant qu’a aucun moment je n’aurai le droit de me plaindre ou de faiblir, sans avoir la contre-partie de l’avoir voulu. C’est ça, ressenti au plus profond de mes tripes, qui me rendent odieux cette maternité, comme un sacerdoce imposé, sans aucun sens pour moi, juste le sens « des autres ».
J’ai résolu une partie du problème en me faisant stériliser définitivement. Maintenant je ne peux pas m’empêcher de compter à rebours le temps qui me sépare des 18 ans du dernier né. Ça m’aide à tenir… mais là aussi il parait qu’on est pas normale quand on pense des choses comme celle là. C’est ce que j’ai longtemps cru aussi.…
Bonjour, Madame
« il parait qu’on est pas normale quand on pense des choses comme celle là » …
Il paraît.
Mais, par écoute et observation, on voit combien même celles qui ont cru au « truc », celles qui ont crié partout leur joie de la maternité « merveilleuse, et de l’accomplissement que c’est d’être mère », etc,
sont travaillées aussi, parfois, par ces pensées, et la plupart les enferment dans le secret, pour faire bonne figure, pour ne pas se donner à elles mêmes l’image d’un reniement, etc, bref, elles sont acculées à un certain déni …
Vous semblez n’avoir pas eu du tout la tentation de vous « venger » par l’indifférence (ou pire) à l’égard de vos mômes, toute la question restante est dans la patience …
Le simple fait de les respecter est un sûrement amour bien plus réel que les déclarations romantiques qui accompagnent les contes de fées dans lesquels tant de femmes peinent à reconnaître qu’elles sont piégées …
ma chère X
qui est la bonne mère, celle qui assume ce qu’elle a mis au monde ou celle qui se sert de ses enfants pour faire croire au monde entier que sa vie n’est que réussite et bonheur?
à mes yeux, vous avez la plus grande qualité qui soit : vous êtes lucides
alors oui, ça fait bien mal mais c’est un service que vous rendez à vos enfants
et quand ils seront en âge de comprendre, vous pourrez avoir avec eux des conversations (notamment avec les filles si vous en avez) afin qu’elles comprennent ce que vous avez vécu et qu’elles se sentent libres de faire autrement
c’est le plus grand service qu’on puisse leur rendre il me semble
ma fille a 10 ans et elle sait que je n’aime pas être mère, j’aime bien vivre avec elle (une semaine sur deux seulement, plus je n’y arrive pas) j’aime partager des moments avec elle, je la trouve merveilleuse malgré ses défauts dont je suis bien consciente… mais je trouve ça trop difficile et je préfère être plein d’autres choses que mère
on en parle souvent et je lui ai bien expliqué que ça n’avait rien à voir avec elle
elle a l’air de le vivre plutôt bien et m’a dit qu’elle ne voulait pas la même vie que moi
voilà… c’est mercredi, le jour préféré des mères comme on sait
bon courage
L
Pour faire sourire X :
Vous connaissez l’histoire du prêtre, du pasteur et du rabbin qui débattent ensemble sur le moment exact du commencement de la vie ?
Le prêtre : Notre très Sainte Église catholique romaine est on ne peut plus claire à ce sujet : la vie commence à la conception. Point. Et vous Révérend qu’en dites-vous ?
Le pasteur : Monsieur l’Abbé et cher ami, je serais moins dogmatique, si vous le permettez. Je pense, à titre personnel, que la vie débute à la naissance.
Et vous Rabbi?
Le rabbin : Eh bien, après mûre réflexion, je crois avoir la réponse : la vie commence réellement quand le chien est mort et que les enfants ont enfin quitté la maison.
——–
J’en suis rendue là. La vie [re]commence !
(Je pleure un peu le chien…)
Courage !
Je suis réellement émue par ce témoignage, merci d’avoir eu le courage de partager ceci avec nous.
Bonjour,
Je suis un homme et je trouve votre témoignage plein de vérité, je ne pourrai évidemment jamais ressentir ce qu’une femme ressent. mais je m’intéresse plutôt à ce vrai ressentit que vous délivrez, j’admets que certaines femmes aiment être enceinte, aiment être maman, mais il bien de savoir que chacun est libre de penser comme il veut et surtout de pouvoir dire qu’on est pas obligé d’adorer ses enfants ou ses parents ou son conjoint ou tout autre forme humaine sans passer immédiatement pour un inadapté social.
pourtant j’ai une fille, petite, que j’adore, mais il m’arrive de la détester, de me dire que j’aurais été mieux seul, il m’arrive même d’être égoïste vis avis d’elle. la seule chose que j’espère c’est pouvoir lui transmettre la liberté de choix, de faire ce qu’elle a envie sans obligations de code sociaux . il y a évidemment des choses qui n’iront dans le sens que j’aime, mais ça, ça sera à moi de gérer. en gros j’espère qu’elle aimera sa vie, qu’elle s’aimera et qu’elle choisira le sens de sa vie.
Bravo X pour votre témoignage. Si vos mots sont parfois un peu crus, ils montrent à quel point c’est difficile d’être mère, c’est difficile de changer complètement de vie du jour au lendemain, et c’est un poids énorme à assumer.
Bon courage pour la suite, nous sommes toutes avec vous.
Bravo et merci!
Et courage pour la suite!
Merci X. À travers vos mots vous exprimez le ressenti de tellement d’autres mères qui regrettent de l’être et son encore dans le secret et le silence.
Merci pour votre témoignage franc cela a dû vous coûter de libérer votre parole dans un pays où la maternité est sur représentée. La pression sociale est redoutable , je sais bien cette équation une femme = un utérus = mariée = des enfants (au pluriel). Heureusement que des voix féminines ( valerie lemercier, florence forestie, jeanne moreau… et les femmes qui osent s ‘exprimer ) commencent à briser les tabous.
Je suis bien d’accord avec toi ! Il faut qu’on arrête de nous dire que si passer un certain âge on n’est pas mère on a raté sa vie, genre c’est le but ultime dans l’existence des femmes. Si on ne veut pas d’enfants c’est qu’on a une case en moins ou que l’on est inhumaine, pff laissez-moi rire. C’est à nous de choisir, ce qui est bon pour nous même.
Je me sens mieux de lire ça!
J’ai un enfant et je pense souvent de ne pas être la meilleur mère qu’elle aurait pu avoir. Elle a eu beaucoup de problèmes de santé et je me suis tellement battue pour elle. J’ai tout lâchée études, travail. J’arrive au point d’implosion.
Je suis si fatiguée. Des médecins qui ne savent rien faire. Des profs qui sont des incompétents. Rien est adapté aux gamins. Ils faut qu’on soit tout à la fois.
C’est usant. Quand ils ne savent pas ce que c’est ils vous font culpabiliser. Il y a pas d’enfant parfait ni de mère parfaite. Mais dans cette société où tout le monde s’en fou la mère est obligé de prendre la place de tout le monde.
J’arrive plus trop à jouer wonderwoman.
Je suis épuisée.